Vendre des armes à Taïwan sans régler « la question de Formose ». Les ambigüités états-uniennes et européennes

Depuis 1949, date à laquelle Taïwan est de facto administrée indépendamment de la Chine continentale, les autorités de la République de Chine (Taïwan) ont pu compter sur des transferts et des ventes d’armes depuis l’étranger pour équiper et moderniser leurs forces armées. Les États-Unis sont historiquement leur principal fournisseur, mais certains États européens pratiquent aussi le commerce des armes, matériel et technologies militaires à destination de Taïwan. Étonnamment, aucun des États qui vendent ainsi des armes à Taïwan ne reconnaît l’île comme un État indépendant ou n’entretient de relations diplomatiques avec elle.

En effet, la question du statut de Taïwan en droit international – que l’on appelait «question de Formose » au milieu du 20e siècle – est toujours débattue aujourd’hui, comme elle l’est depuis 75 ans. La République populaire de Chine considère qu’il s’agit d’une province en rébellion contre le pouvoir central de Beijing. Les autorités à Taïwan se considèrent quant à elles comme celles d’un État souverain et indépendant, mais dont le rapport à la Chine continentale reste ambigu. Les États exportateurs d’armes vers Taïwan entretiennent tous des relations avec la Chine populaire et la plupart n’ont pas de position officielle sur le statut de Taïwan.

La question du statut de Taïwan a pourtant des conséquences directes sur la licéité ou l’illicéité de leur comportement. Selon que Taïwan est un État souverain et indépendant ou une province rebelle de la Chine, le droit applicable aux ventes et transferts d’armes, de matériel et de technologies militaires vers Taïwan sera différent.

Ce rapport s’attache à rendre compte de l’ambigüité des discours états-uniens et européens sur le statut de Taïwan en droit international et à en analyser les conséquences juridiques. Pour ce faire, il commence par présenter les divergences de vues des différents États et organisations concernés quant au statut de Taïwan. Il montre ensuite que la question du statut de Taïwan reste débattue en droit international et que, quand bien même on clarifierait le droit applicable à la question des transferts d’armes vers l’île, cela ne lèverait pas toutes les zones de flou juridique sur ces transferts.