Entre le 11 décembre 2020 et 11 mars 2021, plus de 700 élèves ont été kidnappés lors de cinq raids sur des écoles au nord-ouest du Nigéria[1]. Le premier enlèvement de masse de cette série, celui de 344 garçons d’un pensionnat de Kankara (Katsina), a ravivé les souvenirs d’autres enlèvements perpétrés par le groupe armé terroriste Boko Haram comme celui des 276 lycéennes de Chibok (Borno). Pourtant, la série d’enlèvements de ces derniers mois a eu lieu au Nord-Ouest, alors que Boko Haram opère majoritairement au nord-est du pays.

© UNICEF/Apochi Owoicho – Une jeune fille écrit sur un tableau noir
dans une école primaire au Nigeria.

En effet, jusqu’à présent l’éducation était une cible privilégiée du groupe terroriste Boko Haram, dont l’insurrection en 2009 a déclenché un conflit meurtrier au nord-est du Nigéria[2]. Des milices d’auto-défense comme la Force civile mixte se sont par ailleurs formées en soutien à l’État dans la lutte contre Boko Haram. Si ce conflit a affecté plus de 13 millions de personnes, les élèves et professeurs ont été particulièrement touchés : entre 2009 et 2018, plus de 600 professeurs ont été tués, 900 écoles endommagées ou détruites et plus de 1 500 écoles ont dû fermer à cause des violences, perturbant ainsi l’accès à l’éducation de plus de 900 000 élèves[3]. Au Nord-Ouest, depuis 2011, des tensions opposent les fermiers sédentaires haoussas et les éleveurs nomades peuls pour l’accès aux ressources. La prolifération d’armes dans les deux communautés afin d’assurer leur protection a entraîné l’explosion du banditisme et de la criminalité détériorant ainsi l’environnement sécuritaire. Même si les civils sont particulièrement touchés par ce conflit qui a déjà causé la mort de 8 000 personnes et le déplacement de 200 000 autres[4], les attaques ciblées contre les écoles restaient, jusqu’alors, relativement rares dans cette région

Les cinq rapts successifs d’élèves semblent cependant démontrer que les attaques contre l’éducation, c’est-à-dire toute menace ou utilisation de la force intentionnelle contre élèves, professeurs ou établissements scolaires[5], se répandent dans le nord-ouest du Nigéria…

Cet éclairage vise à démontrer qu’une meilleure compréhension des motivations selon les auteurs de ces attaques est nécessaire afin d’élaborer des réponses concertées et coordonnées qui tiennent également compte des environnements culturels. Dans un premier temps, nous clarifierons les motivations des différents acteurs armés, auteurs des attaques contre l’éducation au Nord-est et au Nord-ouest du pays. Dans un second temps, nous examinerons les initiatives de l’État et les limites de son action ainsi que le rôle essentiel que peuvent jouer les communautés, en concertation avec les différents niveaux de pouvoir, afin de lutter efficacement contre ce phénomène.

[1]. Le 11 décembre 2020, 344 adolescents ont été kidnappés dans un pensionnat à Kankara (Katsina). Le 19 décembre, plus de 80 écoliers ont été enlevés alors qu’ils rentraient vers le village de Mahuta (Katsina). Dans la nuit du 17 février 2021, 42 élèves et personnels d’une école de Kagara (Niger) ont été enlevés. Le 26 février, 279 filles ont été kidnappées dans un pensionnat à Jangebe (Zamfara). Enfin, 39 étudiants ont été enlevés dans un établissement scolaire à Mando (Kaduna), le 11 mars. Hormis les 39 étudiants de Mando, tous les autres enfants ont été relâchés quelques jours après leur enlèvement.

[2]. Voir : Georges BERGHEZAN, « Boko Haram, fiche documentaire », Note d’Analyse du GRIP, GRIP, Bruxelles, 8 janvier 2016 ; Laetitia TRAN NGOC, « Boko Haram – Fiche Documentaire », Note d’Analyse du GRIP, GRIP, Bruxelles, 4 octobre 2012.

[3]. Marika TSOLAKIS et. al., « Education Under Attack 2020 », Global Coalition to Protect Education from Attack, New York, 2020, p. 185.

[4]. « Violence in Nigeria’s North West: Rolling Back the Mayhem », International Crisis Group, Rapport Afrique n° 288, 18 mai 2020.

[5]. Le terme attaque contre l’éducation englobe : (1) les attaques contre les établissements d’enseignement, (2) les attaques contre le personnel éducatif et les élèves, (3) l’utilisation des écoles à des fins militaires, (4) le recrutement des enfants à l’école ou sur le chemin vers/en retour de l’école et (5) la violence sexuelle à l’école ou sur le chemin de l’école.

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