Le 6 octobre 2022, dans le district de Na Klang de la province de Nong Bua Lamphu (nord de la Thaïlande), un homme muni d’une arme blanche et d’un pistolet semi-automatique Sig Sauer P365 fait irruption dans une crèche, et tue 25 personnes. Dans sa fuite, il tire à bout portant sur une dizaine de passant·e·s. Une fois revenu à son domicile, il abat sa compagne et leurs deux fils, avant de mettre fin à ses jours. En moins d’une demi-heure, Panya Khamrab, ancien policier, fait 38 victimes, dont une majorité d’enfants . Cette tuerie – la pire qu’a connue la Thaïlande choque profondément la population. À la suite de son enquête, la police thaïlandaise révèle que le responsable présumé avait obtenu son arme de façon légale. Le meurtrier avait été renvoyé des forces de l’ordre en juin 2022 pour des problèmes de consommation de stupéfiants . Cette récente fusillade de masse, en plus d’autres évènements similaires , met en évidence la récurrence des violences mortelles par armes à feu en Thaïlande et l’inefficacité des règlementations sur le port d’armes de poing.

Au-delà de ce seul évènement, les médias et la société civile questionnent le taux élevé de mortalité par les armes de poing dans le royaume : la Thaïlande se classe en deuxième position en Asie du Sud-est en la matière, après les Philippines. Des voix issues de la presse et de la recherche mettent en cause la désuétude des régulations et les défaillances dans l’application de ces dernières, dans un contexte de forte possession des armes à feu par la population civile. En effet, 15 % des citoyen·ne·s du thaïlandais·e·s ont une ou plusieurs armes, selon Small Arms Survey. Sur les 10 millions d’armes sur le territoire thaïlandais, seules 6 millions sont détenues de manière licite .
Dans ce contexte, et alors, qu’en théorie, la loi thaïlandaise sur le port et la détention d’armes à feu est stricte, et soumet les propriétaires à des contrôles rigoureux, on ne peut que questionner les failles ayant rendu possible une telle tragédie. Il s’agit donc, dans cette note d’analyse, de comprendre les angles morts du contrôle de la détention d’armes à feu par la population civile en Thaïlande et les insuffisances génèrent une situation inédite de prolifération d’armes légères et de petit calibre.

Le texte procède en trois temps. Dans le premier, il appréhende la forte désirabilité culturelle des armes dans le royaume (1). Dans un second temps, il montre comment le contexte général de trafic et de corruption mène à d’importants manquements dans l’application du règlement sur le port d’armes (2). Dans un troisième et ultime temps, le texte analyse comment le programme des welfare guns permet un contournement des lois, et nourrit le marché noir des armes en Thaïlande (3).

Téléchargement du pdf : Prolifération et port d’armes illégal en Thaïlande – entre application déficitaire et régimes d’exception

Crédit photo: DE VOLDER Linda, Armes à feu dans la zone frontalière entre la Thaïlande et le Myanmar, Flickr, licence CC BY-NC-ND 2.0.