A l’occasion du lancement de notre nouvelle Base de données sur les entreprises du secteur de l’armement en Belgique, nous posons dix questions à Christophe Stiernon, chargé de recherche au GRIP.

Pourquoi cette base de données ? Quelles sont les informations fournies ?

Cette base de données du GRIP porte sur les principales entreprises qui ont une activité de production de biens et de services à usage militaire en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles. Elle fournit pour chaque entreprise une fiche-profil qui reprend les données administratives et relatives à l’actionnariat ainsi que sept indicateurs socio-économiques et financiers et des informations sur ses activités. Cette base de données représente un outil unique et indispensable pour évaluer, sur la base d’une méthodologie précise, l’importance du secteur de l’armement et mesurer son poids socio-économique à l’échelle du pays.

Comment définissez-vous le secteur de l’armement ?

Il s’agit d’un secteur au périmètre difficile à définir. Statistiquement, il n’existe pas de « secteur de l’armement » dans les comptes nationaux en Belgique et il est souvent difficile de faire une distinction précise entre les activités civiles et militaires dans les nombreux secteurs qui ont une production duale (électronique, aéronautique, construction mécanique, etc.). Les entreprises retenues ont été sélectionnées selon des critères précis. Elles ont toutes une activité de production de biens ou de services spécifiquement liés au développement, à la fabrication, au déploiement ou à la maintenance de systèmes d’armes.

Combien d’entreprises sont aujourd’hui actives dans ce secteur ?

Notre base de données reprend actuellement 71 entreprises présentes en Belgique dont une partie significative de l’activité est liée à la production d’armements, d’équipements et de technologies à finalité militaire, ainsi qu’à la fourniture de services spécifiques pour le secteur de la défense. Les entreprises répertoriées sont principalement situées en Région wallonne (58 %), suivie de la Région flamande (38 %) et de la Région Bruxelles-Capitale (4 %).

Quel est le profil de ces entreprises ?

Près d’une entreprise sur deux est active dans le secteur aéronautique, électronique et spatial (47 %). Les entreprises se répartissent ensuite entre les secteurs « mécanique, véhicules et naval » (31 %), « armes, munitions et explosifs » (11 %) et « textiles et équipements divers » (10 %). Le secteur de l’armement en Belgique est composé pour l’essentiel de petites et de moyennes entreprises. 45 % des entreprises identifiées comptaient moins de 50 salariés en 2016, tandis que seules 9 en comptaient plus de 500, toutes activités confondues. La plupart des entreprises (68 %) sont d’abord actives sur le marché civil (moins de 30 % de l’activité lié à la défense). Neuf entreprises belges réalisent 100 % de leurs activités dans le secteur de l’armement, dont huit sont situées en Région wallonne.

Quel est le poids socio-économique du secteur en Belgique ?

En 2016, les 71 entreprises répertoriées employaient en Belgique un total de 4 743 personnes, directement liées à leurs activités de défense. Cela équivaut à environ un emploi sur mille à l’échelle du pays et moins de 1 % des emplois du secteur industriel (hors construction)[1]. Les trois-quarts des emplois sont situés en Région wallonne (76 %). Les secteurs « aéronautique, électronique et spatial » et « armes, munitions et explosifs » occupent ensemble près de neuf emplois sur dix (respectivement 44 et 43 %). La valeur ajoutée brute, c’est-à-dire la richesse nouvellement créée, réalisée par ces 71 entreprises dans leurs activités de défense était quant à elle estimée à 667 millions d’euros en 2016. La Région wallonne pèse pour plus de 77 % du total.

La production d’armement n’a-t-elle pas a aussi des effets plus larges sur l’emploi de l’économie belge dans son ensemble ?

Effectivement, à l’emploi initial, c’est-à-dire l’emploi au sein de l’entreprise, il faut ajouter l’emploi direct et indirect. Soit l’emploi créé chez les fournisseurs et dans toute la chaîne de fournisseurs en amont. On prend en compte également l’emploi induit, c’est-à-dire l’emploi induit par le flux circulaire des revenus des ménages et la consommation.

En additionnant les trois, on obtient l’emploi total créé dans l’ensemble de l’économie belge. Le GRIP estime que l’emploi total lié au secteur de l’armement en Belgique s’élève à 12 095 personnes[2].

Quelles sont les principales entreprises du secteur ?

En termes d’emploi, les poids lourds du secteur sont presque exclusivement en Région wallonne. On y retrouve la FN Herstal, la SONACA, Mecar, CMI Defence, Thales Alenia Space et Thales Belgium. Ces entreprises représentent plus de 2 850 emplois (dont près de la moitié rien que pour la FN Herstal). Les entreprises Alcarel-Lucent Bell (Bell Labs Belgium – Nokia) et Esterline Belgium (qui a repris les activités défense de Barco en 2015) sont de loin les plus gros employeurs du secteur en Région flamande. La Région de Bruxelles-Capitale abrite deux acteurs importants : les entreprises SABCA et UMICORE. Avec 3 558 emplois, les dix principales entreprises du secteur représentent les trois-quarts des emplois du secteur en Belgique.

Qui sont les clients des entreprises belges du secteur de l’armement ?

Particulièrement dans le cas de la Belgique, la part de la production destinée à répondre à la demande nationale en équipement de défense est marginale dans le chiffre d’affaires des entreprises. Beaucoup de firmes sont essentiellement exportatrices, souvent vers des pays en voie de développement, émergents, ou situés dans des régions instables ou conflictuelles. Ces dernières années, aux côtés des marchés européens (Allemagne, France et Royaume-Uni en tête) et nord-américain, les principaux débouchés des entreprises belges du secteur de l’armement sont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Pakistan. En 2016, on retrouvait également la Turquie, l’Indonésie et la Thaïlande.

Quel est le profil des actionnaires des entreprises belges du secteur ?

Même si plus de la moitié des entreprises du secteur demeure aux mains d’actionnaires belges en 2016, il n’existe pas réellement d’industrie « belge » de l’armement au regard de la propriété du capital des entreprises répertoriées. Il y a d’abord une industrie « wallonne » de l’armement. À la tête du Groupe Herstal (FN et Browning) et de la SONACA, des poids lourds du secteur, la Région wallonne pèse à elle seule autour de 40 % de la valeur créée et des emplois générés par le secteur à l’échelle du pays.

Ensuite, le capital de plusieurs des principales entreprises du secteur est contrôlé par de grands groupes étrangers, essentiellement français. On retrouve par exemple l’État français à la tête de Mecar (Nexter), des entreprises Forges de Zeebrugge, Thales Alenia Space Belgium et Thales Belgium (Thales),
de PB Clermont (Eurenco) et de Techspace Aero (Safran). SABCA (Dassault) et CMI Defence (Serin) sont également la propriété de capitaux français. On notera enfin des centres de décision étrangers pour les entreprises Alcatel-Lucent Bell (Nokia, Finlande), Pratt & Whitney Belgium Engine Center (Gouvernement norvégien) et Esterline (capitaux étasuniens).

Quelle place occupe la Belgique à l’échelle du monde ?

En 2016, les ventes de biens et de services militaires des cent principales entreprises d’armements au monde ont atteint 374,8 milliards USD. Sans surprise, les États-Unis occupent le haut du tableau avec 38 entreprises dans le top 100 qui pèsent près de 60 % des ventes en 2016 (217 milliards USD). Les 25 entreprises du top 100 basées en Europe occidentales ont quant à elles réalisés des ventes pour plus de 91 milliards USD[3]. Aucune entreprise belge ne figure dans ce classement.

La base de données est accessible à l’adresse suivante : https://production.grip.org

Télécharger la version PDF :

pdf Panorama de l’industrie de l’armement en Belgique (Base de données)


[1]. Estimation du GRIP sur base des indicateurs structurels emploi et marché du travail du Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale.

[2]. Ces effets sont mesurés par différents types de multiplicateurs d’emploi défini par le Bureau fédéral du Plan (http://www.plan.be)

[3]. Dr Aude Fleurant, Alexandra Kuimova, Dr Nan Tian, Pieter D. Wezeman and Siemon T. Wezeman, The SIPRI Top 100 arms‑producing and military services companies, 2016, SIPRI, décembre 2017.

Découvrez notre base de données en vidéo…

Notre base de données présentée dans le JT de la RTBF du 15 juin 2018