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Les « femmes de réconfort » dans les relations nippo-coréennes : un facteur de tension qui s’éclipse devant les impératifs sécuritaires

Three Korean "comfort girls" interrogated by members of the G-2 Myitkyina Task Force of the U.S Army on August 14 1944, U.S. National Archives, via Wikimedia Commons

Le 6 mars 2023, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Park Jin, a annoncé la mise en place d’un plan d’indemnisation pour les victimes du travail forcé pendant l’occupation japonaise de la péninsule coréenne (1910-1945). Par cette initiative, Séoul tente d’apaiser les tensions avec le Japon, qui avaient atteint leur paroxysme à la suite de deux arrêts de la Cour suprême sud-coréenne, les 30 octobre et 27 novembre 2018, condamnant trois entreprises japonaises pour avoir contraint des Coréen·ne·s au travail forcé. Ces décisions ont été vivement critiquées par le Japon, qui a conseillé aux entreprises de ne pas indemniser les victimes, tout en adoptant des mesures de rétorsion économique à l’encontre de la Corée du Sud. Le Japon a adopté la même position à l’égard de la décision rendue le 8 janvier 2021 par le tribunal du district central de Séoul, qui lui a directement ordonné d’indemniser douze « femmes de réconfort » – euphémisme employé pour désigner les dizaines de milliers de femmes et jeunes filles contraintes de servir les troupes japonaises durant la guerre d’Asie- Pacifique (1931-1945) – encore vivantes.

Tokyo refuse, en effet, toujours de reconnaître sa responsabilité dans la mise en place de ce système d’esclavage sexuel, estimant que ces actes faisaient simplement partie de l’effort de guerre. En ce qui concerne plus spécifiquement la Corée du Sud, le Japon considère aussi que tous les litiges liés à l’occupation ont été définitivement réglés par l’accord bilatéral de 1965 relatif au règlement de problèmes concernant les biens, les réclamations et la coopération. La décision de Séoul d’établir un fonds d’indemnisation pour les victimes du travail forcé pourrait sembler représenter un pas important vers une véritable réconciliation nippo-coréenne. Néanmoins, le fait que les « femmes de réconfort » aient été exclues de ce fonds et ce sujet plus généralement mis de côté dans les discussions diplomatiques entre les deux pays, doit amener à s’interroger sur le caractère viable et durable de ce rapprochement.

Cet Éclairage estime que le refus du Japon d’assumer ses responsabilités et de donner une suite positive aux revendications des victimes systématiquement ignorées et délégitimées nuit durablement aux efforts de réconciliation avec la Corée du Sud, sans pour autant nuire à la coopération en matière de sécurité.

Le texte procède en trois étapes. La première met en évidence la façon dont le Japon rechigne depuis des décennies à reconnaitre sa responsabilité à l’égard des « femmes de réconfort » en allant au-delà du simple devoir moral. La seconde étape revient sur les diverses tentatives de mettre fin à ce différend, notamment celle de l’accord bilatéral de 2015. Elle montre que ces échecs résident essentiellement dans l’exclusion des principales victimes des processus de négociations. La troisième étape expose comment, face à cette impasse et aux impératifs sécuritaires perçus par ces deux États, ils ont une fois de plus choisi d’oublier les femmes et les crimes commis à leur encontre.

 

 

 

Crédit photo: : Three Korean “comfort girls” interrogated by members of the G-2
Myitkyina Task Force of the U.S Army on August 14 1944, U.S. National Archives, via Wikimedia Commons

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