Le plan stratégique du ministère de la Défense belge, le plan STAR, adopté en 2022, présente le changement climatique comme un enjeu important pour le futur des opérations militaires. Il précise notamment que « les tendances environnementales et le changement climatique sont autant de forces structurelles qui sous-tendront notre environnement sécuritaire pour les décennies à venir ». Le Plan STAR fait référence à la sécurité environnementale. Cette dernière notion renvoie à la manière dont les changements environnementaux mettent en péril la sécurité nationale et celle des individus en faisant de l’environnement un facteur aggravant de tensions préexistantes ou nouvelles et, donc, potentiellement de conflits violents. Le concept tend à rapidement gagner en importance. Tant l’Union européenne (UE) que l’OTAN l’incorporent au sein de leurs stratégies. L’UE préconise dans sa « Boussole stratégique en matière de sécurité et de défense » l’élaboration par tous ses États membres d’une stratégie nationale pour préparer les forces armées au changement climatique et a récemment mis en place un mécanisme de soutien à cette élaboration. Le rapport sécurité humaine et entraînant des déplacements massifs de population ». Le Sud global est donc considéré comme porteur de menaces, et les crises sont comme inscrites dans son ADN, contrairement au pays du Nord dont les conséquences du réchauffement climatique sont reléguées au rang de simples problèmes au sein des stratégies.

Faire une distinction entre construction d’une crise et construction d’un problème est crucial, car une crise permet l’établissement de moyens extraordinaires pour la solutionner, comme une intervention à l’étranger. Cette distinction est surtout perceptible au sein des études de cas du rapport de l’OTAN. L’OTAN prend quatre zones géographiques différentes (Europe, Amérique du Nord, Irak et Arctique) pour y établir des scénarios sur les conséquences du changement climatique. Premièrement, l’OTAN accorde beaucoup plus d’attention (et de nombre de mots) à son étude de cas sur l’Irak (État ne faisant pourtant pas partie de l’Alliance) qu’à ses autres études de cas. Le registre de cette étude de cas est d’ailleurs complètement différent, car la dimension sociale est très rapidement évoquée contrairement aux études de cas sur l’Europe et l’Amérique du Nord qui restaient concentrées sur l’aspect technique de l’impact des phénomènes météorologiques sur la sécurité. De plus, la mention du fait que « le changement climatique pourrait causer plus de morts que la Covid-19 » apporte une vision dramatisante et participe d’autant plus à la construction du récit sur la « crise environnementale » à venir.

La mobilisation de données statistiques appuie également l’idée que le changement climatique est surtout un facteur de crises majeures dans le Sud global. L’OTAN s’appuie notamment tout au long de son rapport sur des calculs de l’augmentation des températures en fonction des régions. La démarche permet de proposer une sorte de futur « objectif », c’est-à-dire prédictible et mesurable. Contrairement à d’autres facteurs d’instabilité — comme une guerre civile ou un coup d’État — les conséquences du changement climatique, telles que la montée des eaux ou la hausse des températures, sont à la fois hautement probables et quantifiables. Ainsi, par analogie, la « crise environnementale » apparaît elle aussi comme une conséquence objective du changement climatique au sein du récit construit via les énoncés stratégiques. Cela renforce l’idée que le changement climatique est « crisogène » dans le Sud global.

Crédit photo de couverture : Exercise Balikatan prepares communities (of the Philippines) for potential disasters, April 11, 2015, © United States Marine photo by Lance Cpl. Caitlin Bevel, via Wikimedia Commons.